(Comme il est dit dans le PS, cette nouvelle n’a rien d’oriental)
Temporalité : ~1620 (mention de Rembrandt et de ses disciples)
Lieu : Amsterdam
Cornélius Berg est un peintre qui n’a plus de talent ni de proches, ni d’humour. En bref, il va mal, et est très dépendant de l’alcool. Il vagabonde d’auberges en auberges, et travaille de moins en moins. Il réussit à se trouver un travail pour le printemps, où il doit peindre les murs d’une église. Il croise le vieux syndic lors de sa besogne et il lui dit « Dieu est un grand peintre. » Il ne lui répond pas, mais regarde le paysage et repense à ce qu’il a fait. Berg répond enfin « Quel malheur, Monsieur le Syndic, que Dieu ne soit pas borné à la peinture des paysages » Cette dernière phrase est importante.
Cornélius Berg reconnaît la beauté et l'ordre de la nature, mais il n’est pas d’accord que cette beauté soit accompagnée de tant de souffrance et de misère. Il semble regretter que Dieu, en tant que créateur, n'ait pas limité son œuvre à la création de paysages magnifiques, mais ait également introduit la douleur et la laideur dans le monde.
-Dieu, dit-il, est un grand peintre.
Cornélius Berg ne répondit pas. Le paisible vieil homme reprit : -Dieu est le peintre de l'univers
Cornélius Berg regardait alternativement à la fleur et le canal ce terme miroir plombé ne reflétait que des plates-bandes et la lessive ménagère, mais le vieux vagabond fatigué y contemplait vaguement toute sa vie. Il revoyait certains traits de physionomie, aperçue au cours de ces longs voyages, l’Orient sordide, le Sud débraillé, les expressions d'avarice, de sottise ou de férocité notées sous tant de beaux ciels, les gîtes misérables, les honteuses maladies, les rixes à coups de couteau sur le seuil des Tavernes, le visage sec des prêteurs sur gages et le beau corps gras de son modèle, Frédéric G., étendu sur la table d'anatomie à l'école de médecine de Fribourg. Puis un autre souvenir lui vint. À Constantinople, où il avait peint quelques portraits de sultans pour l'ambassadeur des Provinces Unies, il avait eu l'occasion d'admirer un autre jardin de tulipe. Orgueil et joie d'un machin qui comptait sur le peintre pour immortaliser dans sa brève affection son harem floral. À l’intérieur d’une cour de marbre, les tulipes rassemblées, palpitaient et bruissait, eût-on dit, de couleur éclatante ou tendre. Sur une vasque, un oiseau chantait ; les pointes des cyprès perçaient le ciel pâlement bleu. Mais l'esclave qui par ordre de son maître montrait à l'étranger ces merveilles était borgne et sur l'œil récemment perdu des mouches s’amassaient. Cornélius Berg soupira longuement. Puis, ôtant ses lunettes : -Dieu est le peintre de l'univers.
Et, avec amertume, à voix basse : -Quel malheur, Monsieur le Syndic, que Dieu ne soit pas borné à la peinture des paysages